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JASON Kreyasyon
12 février 2013

Lire le Carnaval de Port-au-Prince : 6 nouvelles du carnaval

AAAA

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Dominique Batraville : Lettre au Bondieu pour danser au Mardi-Gras

Bonjour Bondieu,

J’ose te tutoyer car tu m’as demandé de le faire. Au cours de tes six jours de labeur, tu m’as doté d’ailes de séraphin. Et bien, dans quelques semaines commencera le tam tam des étoiles à Port-au-Prince. On dansera comme des anges. Moi, qui danse à peine comme Salomé, je me pose des questions. Voilà pourquoi, je te prie de m’apprendre à danser. David n’a-t-il pas été un excellent danseur ? J’entends devenir un parfait danseur pour le carnaval je voudrais défier les médaillés olympiques de la danse. Là, dans ma capitale ivre : Port-au-Prince.

Mon corps de bipède flotte avec perfection entre les deux infinis. Je compte participer en chair et en os au carnaval de Port-au-Prince.

Maître, j’ai pris naissance à Antilla-Quisqueya-Haiti- Bohio, cité merveilleuse située non loin du golfe du Mexique. J’ai peut-être l’air d’un oiseau trans-animal : Quetzalcoalt. Pourtant je veux voir la colonne d’encens décrite dans un chapitre de l’Apocalypse de Jean, l’apôtre chéri du Christ. Ceci, au jour du grand réveil des morts.

Parlons carnaval, cher ami. Tu vois bien mes biceps. Est-ce que je vais tenir pendant les laisser-frapper ? Je sais que la fête sera belle. On attendra les Reines qui iront empoisonner tous les regards. Je me vois tout frêle. Je ressemble à un homme sans os. On m’appelle dans mon quartier : espèce-de-balai, antenne Digicel, fil flottant de la Téléco. 

Toute l’ambiance de la fête au Champ de Mars me saisira lors du parcours. J’entrevois le passage des bandes Et leurs fessiers ? Des bombardiers. Chut... Ma sœur cadette, me demandera des comptes. Je m’imagine déjà sa voix et ses gestes : « Alain, mon frère sans os, c’est comme cela que tu inventes le bonheur ? »

Yahvé, Yah, aïe ! Je t’aime bien. Mille regrets ! Je n’ai pas été aussi fort que Michaël.

Comme le divin Moïse du Nil, j’entre en colère pour un oui, pour un non. Grand frère, fais de moi un roseau. Je me sens si frêle comme PALMIER de Port-au-Prince. Dis, quelque semaines déjà, j’ai vécu sous un palmier l’escalade du poteau graisseux du Champ de Mars. Quel concours !

Seigneur, j’ai commis beaucoup d’erreurs graves dans ma vie de mortel. Je me retrouve souvent au bord du lac des sept péchés capitaux. Question de demander pardon. Pardon à Jésus que j’ai toujours peint sans l’aide de Fra Angelico.

C’est le carnaval, je dois me changer les idées. 

J’ai soif des gouttes de pluie du prophète Joël. J’ai soif des Lamentations de Jérémie. J’ai soif des oracles de Baruch. J’ai également faim. Je vais dessiner au petit matin peut-être la multiplication des pains et des poissons. Je suis invité à l’ultime festin de la Reine Esther.

Ce sera aussi du carnaval.

Cher Maître, le vent de l’Esprit souffle sur moi. Je revois le rouleau d’Isaïe. Ma main frôle sans cesse le burin de Job. L’étoile de Bethléem me dicte les dernières heures de Toussaint Louverture au Fort de Joux. S’agit-il d’une vraie vision ?

 La colonne d’encens que j’habite priera pour moi. Je voudrais flaner avec Pierre, Paul, Elie, Enoch, Moïse, Jean de la Croix, Augustin et Mère Thérésa. Sans trop maîtriser la chronologie des paléontologues. Tout cela pour mes pénitences de l’après-carnaval.

 Je compte m’amuser à fond pendant les trois jours gras. Tu saisis. Lors du Dimanche Gras, la reine de Saba me demandera d’expliquer l’espace-temps salomonien. Ô Sagesse. Ô soleil des degrés. Je traverse l’infra-monde et je hèle Elie assis dans son chariot de feu.

Yao, je dois aller bambocher jusqu’au mercredi des cendres, avant de préparer Pâques. Tu sais !

Mon corps d’argile apocalyptique apprivoisera le tien. Maître, je suis debout devant les portes du soleil premier. J’irai danser au carnaval comme Compère Général Soleil

J’éviterai de violenter les gens 

Si le peuple improvisera un carnaval avec le Veau d’or, je ferai la fête avec joie. Mille pardons, Grand Maître.

Après les trois jours gras, je ferai pénitence

J’aurai à supplier la Vierge Marie. Ainsi, elle sera ma beliere et je serai peut être comme Isaac, défiant l’épée d’Abraham. Je suis arc-en-ciel comme Noé et peut-être super black comme Cham, l’ange gardien de Noé selon les occasions : bonnes ou favorables. 

Seigneur, j’entrerai à la maison quand l’Eden sera complètement purifié. Comme ça, je n’aurai pas a subir encore des réprimandes et des coups de fouet. J’ai toujours été un pèlerin aux six paires d’ailes. 

A la prochaine, Maître !

Je t’embrasse sur la joue droite avec des statères posés sur mon plexus solaire.

C’est le carnaval, je dois danser Minuit-Minuit

Le délit de voyance

Paix à ma bouche ! Sinon, je crèverai en plein soleil de midi et les pierres que tu vois là vont se refermer sur moi, chair émiettée, homme sans os assoiffé de rhum.

Je rêve de beignets, de pistaches et surtout de pains- patates.

Décidément le vieux Marcel annonce quelque chose d’étrange à son fils unique Périclès. La nouvelle est répandue à travers les rues, les portes et les fenêtres de Cité Soleil. Comment un père peut-il prédire la mort aussi explicite de son poulain, toujours acclamé par des jeunes filles en fleurs de son quartier lors du carnaval ? Le vieux Marcel entend lui interdire le parcours du carnaval.

Il ira juste pour danser Père. Il va enterrer ses rasoirs et renoncer à l’opium.

Tous les résidents de Cité Soleil, sans la moindre exception comparent Marcel, le sage, au voyant Antoine Langommier qui savait prédire même le jour et l’heure de sa propre mort.

Faut-il punir monsieur en toute logique ? Les shérifs de la Cité mettent en garde quiconque ose prophétiser sur un membre de sa famille. Car ces cow-boys commencent, en tout cas, quelques uns d’entre eux, à considérer comme délit de voyance toute prémonition individuelle, pleinement accomplie ou en phase d’accomplissement lors du prochain carnaval. 

Délit de voyance ! Quelle malédiction et quelle folie à supporter. 

La vie de Périclès est suspendue à un fil. Je veux, mon Dieu, que tu me protèges, que tu agisses en faveur du vieux Marcel et de son fils Périclès.

Les aiguilles des horloges galopent ainsi que les nuages sur la cité. De temps en temps, on retrouve, noyés dans l’alcool, les cadavres de devins osant voir trop clairement le présent et le futur. 

Mourir par anticipation avec comme motif majeur :

déclaration prophétique, cela est capable de provoquer une angoisse diabolique chez la personne.

L’atmosphère de voyance se lit dans les visages et les cœurs. Marcel n’ose plus parler de couchers du soleil ou du nombre de chrétiens vivants dévorés par les porcs à Cité Soleil, le quartier fou de la Métropole de Port-au- Prince. Marcel se réfugie totalement derrière les barricades du silence. Le jeune Périclès, par peur d’être victime de cette prédiction parle quelquefois par signes ou avec des paraboles. Périclès comme le bon brave père Marcel est devenu un sage craint.

C’est troublant. Vous ne connaissez pas l’histoire de Périclès ? Moi je crains de dresser son bio-portrait, par peur de représailles.

C’est le carnaval qui compte pour moi avant tout.

Même appuyer trop le regard sur la voiture d’un shérif, provoque des amendes, des coups de bâtons aux aisselles, à la plante des pieds, puis aux testicules. Quand tout ne se termine pas à Ti Tanyen, les bottes posées sur des corps tout frais, et la cervelle prête à voler en éclats au rythme du concert des mitrailleuses à venir.

Autant le noter sur son calepin : « être sage constitue un boulot »

Pour la p’tite histoire, Périclès a été battu à mort sous prétexte d’avoir annoncé l’incendie de l’ancienne cathédrale de Port-au-Prince, atomisée en moins d’une seconde. O secours !

Silence. Malheur à celui qui proclame l’échec vérifiable plus tard de l’un de ses proches au baccalauréat Haïtien. La sentence de tout délit de voyance à Cité Soleil, plus exactement, était applicable, le temps d’un battement de cils. Les chars du MARDI-GRAS iront calmer les peurs à Cité Soleil.

Comment prédire sans commettre un délit de voyance ? Aucun voyant de la Cité ne se sent libre de vivre entre la peur et la démence. Périclès devient peu à peu un jeune homme traqué.

Le monsieur que vous voyez vêtu de rouge avait commis l’imprudence de révéler la mort de sa petite fille. Ce monsieur gièvement blessé par les coups de pierres des lapidateurs se prénomme Pierrot. Sa mort s’annonçait. Les rumeurs de son agonie parviennent aux oreilles de Périclès. Par obéissance à son père, Périclès se terre dans le silence. Personne n’ose déclarer ouvertement le trépas du devin Pierrot. Ce serait un délit de voyance.

Parler de pluie de grêles au carnaval représente, mon dieu, un délit de MARDI-GRAS.

Avant tout, j’irai au carnaval. Question de me libérer de l’auto-flagellation des saints trop pénitents. Je compte lâcher mes nerfs et libérer ma libido ! Je revois la fille de Jephté : l’incarnation de presque tout l’ancien Testament, VENUE DU PROCHE ET MOYEN-ORIENT pour étonner le grand Port-au-Prince et épater tout le cortège du Mardi-Gras. 

Je refuserai toujours de faire le con en restant enfermé chez moi pendant les trois jours gras. Ce serait vraiment imbécile de ma part.

La voix m’a dit, et j’ai noté ses mystères : « Laissez-moi rire ! » . Cette année, on prétend que notre carnaval sera comparable à celui du Brésil ou de Trinidad Tobago.

Suspens ! Hitchcock !

Qui n’aime pas les gros mots et les excès du carnaval natif natal ? Ce sera le moment des défoulements. Vive la folie des trois jours gras ! Folie, folie à cent pour cent.

Le prêtre a dit et j’ai bien noté son dernier oracle.

« Faites penitence ! ». Alors, ce qui est dit est dit. Top secret ! Moi, votre serviteur, je préfère une bonne dose de Bamboula-bamboche, avant d’entrer en Pénitence.

Les douze Césars avaient appris à faire des fêtes. Moi aussi. Hélas, je ne pourrai pas réclamer la tête de Jean-le Baptiste sur un plateau d’argent pour les simples excès verbaux de ce dernier.

Danse Salomé ! Danse Mariéla !

Mon pays devient presque fou. Cette année, le défilé de quelques masques extraordinaires doit frapper l’imagination. Des portrais géants de Jeanne Duval, amie sacrée de Baudelaire, fera partie du parcours. Avant tout, je veux voir la reine Anacaona, l’Impératrice Claire Heureuse, le bon Jaques 1er, au haut des chars, et ceci tout au long du parcours.

Seigneur, protège-moi contre les poignards des assassins et retiens la colère des alcooliques.

Fais que j’atteigne, sain et sauf le Mercredi des cendres. J’aurai évité l’overdose du MARDI-GRAS en plein Champ de Mars.

Thank you Bondieu, jusqu’au mercredi des cendres.

Ton Alain.

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